Le transfert de services publics à des sociétés éclipse la reddition de compte à la population

Selon le site web de l’Assemblée législative, une de ses fonctions principales est d’exercer un contrôle sur les actions de l’administration.

Bien que l’idée qu’une assemblée de représentants élus exerce un contrôle sur les actions du premier ministre et des membres de son cabinet peut sembler révolutionnaire, mais c’est bien la façon dont notre système de démocratie parlementaire devrait réellement fonctionner, et c’est très important que les députés ainsi que les citoyens s’assurent que le système fonctionne correctement.

Le premier ministre et son cabinet doivent rendre des comptes à l’Assemblée législative. C’est ainsi que des freins et des contrepoids sont imposés au pouvoir exécutif. Dans un tel système, le premier ministre, son cabinet et les ministères sont tenus de rendre compte des décisions qu’ils ont prises, lorsque la législature fonctionne effectivement. Toutefois, de plus en plus de travaux confiés aux services publics sous la supervision d’un ministre du cabinet sont transférés à de nouvelles sociétés de la Couronne, à des sociétés privées créées par l’administration, et même au secteur privé. Par conséquent, la chaine des redditions de compte est rompue.

Depuis l’élection de 2014, Brian Galland a transféré à de grandes entreprises une quantité considérable de travaux qui étaient entrepris par notre fonction publique. Cela élimine la responsabilité ministérielle pour ces travaux et minimise ou supprime la supervision par l’Assemblée législative ou par ses comités.

Ainsi, le ministère du Développement économique a été complètement éliminé, il a été remplacé par une société de la Couronne, appelée Opportunités NB. Le mandat de cette société est beaucoup plus restreint que celui de l’ancien ministère, et se réduit à la conclusion d’accords avec de grandes sociétés pour qu’elles s’installent au Nouveau-Brunswick. Par exemple, la création d’une politique de développement économique est désormais du ressort exclusif du premier ministre et de son cabinet, appuyés par un petit secrétariat connu sous l’appellation Conseil de l’emploi. En somme, personne ne possède maintenant le mandat du développement économique communautaire, ou celui d’appuyer le développement de petites entreprises, d’entreprises sociales ou de coopératives.

Le ministère des Services gouvernementaux a aussi été éliminé, et ses fonctions ont été reléguées à une nouvelle super société de la Couronne, Service Nouveau-Brunswick. La semaine dernière, nous avons appris que les infirmières extramurales ne travailleront plus pour les autorités de la santé, Horizon ou Vitalité, mais qu’elles seront transférées à une nouvelle société de la Couronne qui sera gérée par le secteur privé. Nous avons aussi appris qu’encore une autre société de la Couronne sera créée pour acheter et distribuer la marihuana plutôt que de demander à Alcool NB de se charger de cette fonction.

Et l’administration provinciale s’est acharnée à créer des sociétés privées.

Tout d’abord, ce fut Vestcor, qui a récupéré de l’administration la gestion des pensions des employés des services publics, laissant ainsi les fonctionnaires à la retraite sans recours concernant l’administration et la gestion de leurs pensions, et sans possibilités de se tourner vers leurs représentants élus pour les préoccupations qu’ils pourraient avoir à propos de la façon qu’elles pourraient être traitées.

Et puis, ce fut la Société pour les solutions énergétiques qui a été mise en place pour reprendre la responsabilité de la planification de la génération d’énergies renouvelables d’Énergie NB, endormant ainsi la surveillance de l’énergie et des services publics. Le premier ministre a aussi promis de confier l’évaluation des propriétés à une autre société imaginée par l’administration.

Finalement, nous faisons face à la décision de l’administration Gallant de soustraire la gestion du programme extramural et la fourniture des services d’alimentation et de nettoyage de nos hôpitaux aux bons soins de Medavie, une entreprise privée.

Ici, c’est la responsabilité publique qui est la victime. En effet, les sociétés de la Couronne sont gérées par des conseils d’administration. Leurs budgets ne sont pas déposés à la législature pour considération où ils pourraient être débattus, amendés et assujettis à un vote. Les sociétés privées imaginées par l’administration ne sont évidemment pas redevables d’aucune façon à la législature, ni les gestionnaires de services publics, comme les soins des infirmières extramurales, ou la fourniture de repas ou de nettoyage pour nos hôpitaux.

Lorsque l’on considère l’ensemble de ces transferts, nous nous retrouvons comme spectateurs de l’affaiblissement des capacités de nos représentants élus d’exercer un contrôle sur les interventions de l’administration à mesure qu’un plus grand nombre d’activités et de services publics sont transférés hors de portée des pouvoirs de surveillance de l’Assemblée législative. C’est ainsi que le rôle de notre parlement provincial de garantir la responsabilité publique est affaiblie et va à l’encontre d’une bonne gouvernance.

Alors, pourquoi l’Assemblée législative permet-elle cette dégradation sans sourciller? L’hyperpartisanerie et l’extrême discipline de parti ont entravé l’efficacité de notre législature. C’est pourquoi nous ne pouvons risquer d’élire une autre administration majoritaire. Une administration minoritaire exigerait que l’Assemblée législative fonctionne comme prévu.

David Coon est député de Fredericton-Sud et chef du Parti vert du Nouveau-Brunswick.