Certains suffrages sont plus égaux que d’autres
Le 8 juillet, les Libéraux ont déposé un document de travail intitulé Renforcer la démocratie au Nouveau-Brunswick et ils ont annoncé qu’ils voulaient que l’Assemblée législative institue un comité spécial sur la réforme démocratique. C’était le comble de l’ironie. Depuis Noël, les travaux à notre institution démocratique ont à peine pu démarrer. Inexplicablement, le nombre de jours de séance s’est beaucoup réduit, et d’importants comités de surveillance financière n’ont pas pu se réunir. Avec un tel déficit démocratique pour toile de fond, les parlementaires avaient pour tâche d’instituer un comité spécial pour consulter le public sur les façons d’améliorer notre démocratie.
Les parlementaires de l’opposition officielle ont refusé de jouer le jeu et de faire partie du comité. J’ai dit que j’en ferais partie, car je crois que la réforme électorale est essentielle au progrès au Nouveau-Brunswick. Toutefois, sans la participation des Conservateurs, cela ne valait pas la peine que je participe à un comité spécial qui ne représentait pas notre Assemblée provinciale.
Pour des raisons que seuls les Libéraux qui ont participé aux discussions à huis clos connaissent, la motion visant à instituer le comité spécial sur la réforme démocratique a été gâchée. J’avais accepté d’appuyer la motion, mais les Libéraux ont attendu jusqu’au dernier jour de séance avant le congé estival pour la déposer à la Chambre. Selon le Règlement, une motion déposée sans avis n’est recevable que moyennant le consentement de tous les partis à la Chambre. Les Conservateurs n’ont pas donné leur consentement. Nous avons un document de travail sur la réforme démocratique qui peut servir de référence pour consulter les gens du Nouveau-Brunswick, mais nous n’avons pas de comité parlementaire pour mener les consultations.
Le fiasco est symptomatique des problèmes de notre institution démocratique. Depuis des années, les gouvernements Libéral et Conservateur traitent l’Assemblée législative comme simple formalité pour mettre en oeuvre leurs programmes au lieu de la traiter comme le pouvoir législatif du gouvernement. Dans ce cas-ci, les Libéraux avaient promis dans leur plateforme électorale « d’étudier les moyens d’améliorer la participation dans la démocratie, tels que le bulletin de vote préférentiel et le vote en ligne ». Toutefois, la façon d’étudier la question n’a pas fait l’objet de discussions préalables avec les partis de l’opposition. Comme dans bien d’autres cas, la question a été soulevée à l’Assemblée législative de but en blanc. Le cadre de référence a été présenté, que cela nous plaise ou pas, puisque le gouvernement a la majorité à l’Assemblée législative.
Voilà le problème. Nous avons plusieurs partis, mais, sur le plan du fonctionnement, nous avons dans le système uninominal majoritaire à un tour actuel une Assemblée législative à deux partis. Au Nouveau-Brunswick, 25 % des électeurs ont voté pour des partis autres que les Libéraux et les Conservateurs, mais le seul siège que ces partis n’ont pas obtenu est celui que j’occupe. La plus grande partie des suffrages en faveur des autres partis se sont simplement retrouvés à la poubelle. La voix des gens qui ont exprimé ces suffrages n’est pas représentée à notre assemblée représentative. Même si la justice est censée être égale pour tous, nos votes ne sont pas tous égaux.
Pour corriger cette iniquité fondamentale, il faudrait remplacer le système majoritaire uninominal à un tour par un système de représentation proportionnelle. Nous nous sommes retrouvés dans une situation semblable dans le passé.
Bernard Lord a établi en 2004 la Commission sur la démocratie législative afin d’étudier les façons de renforcer notre démocratie. La commission a recommandé un système proportionnel multipartite. La commission a aussi formulé des recommandations sur les façons d’accroître le rôle des députés et de l’Assemblée législative et de donner plus de voix à la population du Nouveau-Brunswick quant aux décisions du gouvernement et de l’Assemblée législative. Malheureusement, la plupart des recommandations de la commission n’ont jamais été mises en oeuvre, même si le politologue Willian Cross en a discuté en détail dans son livre de 2007 intitulé Democratic Reform in New Brunswick.
Nous avons une assemblée représentative qui ne représente pas le point de vue d’un grand nombre de personnes du Nouveau-Brunswick. Un système de représentation proportionnelle où le pourcentage de suffrages qu’un parti reçoit correspond au nombre de sièges qu’il obtient à l’assemblée contribuerait à rétablir la démocratie dans notre institution démocratique, c’est-à-dire l’Assemblée législative.
Les gouvernements majoritaires seraient moins communs, ce qui obligerait les partis à collaborer à l’Assemblée législative. Dans le système actuel, l’intense partisanerie fait obstacle au type de collaboration que veulent les gens du Nouveau-Brunswick. Un système de représentation proportionnelle favoriserait la diversité des partis à la Chambre, ce qui refléterait mieux les choix de l’électorat. Ce système mettrait un terme à la tyrannie du bipartisme, système dans lequel il faut simplement attendre le moment où l’électorat flanque l’autre parti dehors et où c’est à nouveau notre tour de diriger.
Nous avons besoin d’un système de représentation proportionnelle qui renforce notre démocratie. Faute d’un tel système, notre province continuera à vau-l’eau, dirigée de-ci de-là lorsque le pouvoir change de main entre les Libéraux et les Conservateurs.