Privatisation de l’extra-mural: Vitalité «extrêmement déçu» et «inquiet» – Acadie Nouvelle – 1 septembre 2017

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L’article par Simon Delattre
photo courtoisie de Tom Bateman

«C’est une très mauvaise idée de privatiser un programme qui fonctionne bien et est aimé par les Néo-Brunswickois.» – David Coon

Alors que le gouvernement s’apprête à confier la gestion du Programme extra-mural et de Télé-Soins au secteur privé, la régie de santé francophone craint une perte de qualité des soins.

Le gouvernement donne le feu vert au regroupement d’Ambulance NB, de l’extra-mural et de la ligne téléphonique 811. Dès le 1er janvier 2018, cette nouvelle entité sera gérée par le groupe Medavie, un fournisseur de soins de santé privé sans but lucratif basé à Moncton.

Vendredi, le Réseau de santé Vitalité a exprimé son opposition à la privation du Programme extra-mural. En juin 2016, son conseil d’administration s’était prononcé contre le projet et demandait que la gestion et la prestation des soins à domicile demeurent sous sa responsabilité, au sein du système public.

«Le Conseil d’administration et l’équipe de direction du Réseau sont extrêmement déçus de la décision du gouvernement provincial de privatiser le Programme extra-mural», déclare Michelyne Paulin, la présidente du conseil d’administration.

«Le Conseil est inquiet de l’effritement continu de sa gouvernance sur les éléments du système de santé dont il a la responsabilité.»

Selon Mme Paulin, cette décision est d’autant plus étonnante puisqu’elle touche aux responsabilités fondamentales des régies régionales de la santé.

«Selon la loi, les régies sont responsables d’assurer la prestation des services de santé et de les administrer sur leur territoire. Comme conseil d’administration, nous sommes perplexes à la suite de cette annonce.»
Le président-directeur général, Gilles Lanteigne, ne comprend pas pourquoi le gouvernement s’engage dans cette voie. «Ce qu’on vient d’entendre aujourd’hui c’est que ça va coûter plus cher et on n’a pas compris le modèle de soin, on n’est pas satisfaits des réponses qu’on a obtenues.»

Gilles Lanteigne s’inquiète des conséquences du regroupement pour les patients. Il estime que les liens étroits déjà établis entre le corps médical, les professionnels de la santé en milieu hospitalier et le personnel de l’extra-mural contribuent à l’efficacité et à la qualité des soins offerts à la population.

«En morcelant le système de santé de la province en différentes entités, il devient de plus en plus difficile pour nous d’atteindre nos résultats escomptés, notamment en matière de qualité, de continuité des soins, d’efficacité et d’efficience.»

Le gouvernement promet de meilleurs soins, plus d’efficacité

Le ministre de la Santé Victor Boudreau assure qu’il n’y aura aucune perte d’emploi et que la réforme rendra les soins de santé primaire plus accessibles. Selon lui, il ne s’agit pas d’une privatisation, car les soins resteront gratuits et payés par la province.

«Il n’y aura pas d’emploi perdu avec la mise en oeuvre de cette initiative. Les obligations de la fonction publique en vertu de la Loi sur les langues officielles seront honorées par le gouvernement et Medavie. Les dispositions concernant la langue de travail pour les employés continueront à être respectées.»
Le Programme extra-mural emploie près de 720 employés: infirmières, physiothérapeutes, ergothérapeutes, orthophonistes, diététistes et thérapeutes respiratoires.

La plupart demeureront employés du secteur public. Leurs salaires, bénéfices et pensions, resteront inchangés, et les dispositions des conventions collectives seront respectées. Seuls 32 cadres seront transférés au sein des Services de santé Medavie.

En vertu du contrat de 10 ans, Medavie sera évaluée selon 15 indicateurs de rendement : réduction des visites aux services d’urgence, augmentation du nombre de visites à domicile, baisse du nombre d’hospitalisations ou encore maintien de la satisfaction du patient. Si ces objectifs sont remplis, l’entreprise pourrait recevoir jusqu’à 4,4 millions par an de la province.

«Si nous ne respectons pas les normes, nous ne sommes pas payés, indique le chef de la direction de Medavie, Bernard Lord. Tous les professionnels de la santé continuent d’être payés, mais pas Medavie».

«Par conséquent, cela met la province en position de s’assurer que ses standards sont respectés», ajoute-t-il.
Le but du transfert n’est pas de réduire les coûts, mais plutôt d’augmenter la collaboration, note le Victor Boudreau. «Ça va même nous coûter un peu plus cher, mais c’est signe que nous voulons investir pour augmenter l’accessibilité aux soins primaires.»

Il assure que ce nouveau modèle sera plus efficace, mieux intégré.. «Medavie va informatiser le système pour aller chercher plus de performances avec les ressources que nous avons.»

Un flot de critiques

«Voici un autre exemple d’ingérence du gouvernement Gallant dans nos hôpitaux et du démantèlement des services de santé de nos institutions francophones. Le gouvernement est en train de créer un système de santé parallèle et privé, ça rend la situation plus complexe, on n’a pas besoin d’une autre structure», a réagi Dr Hubert Dupuis, président d’Égalité Santé en Français.

«Medavie est une entreprise privée, et réalise des profits qu’elle accapare. Elle gère Ambulance Nouveau-Brunswick qui est dispendieux, inefficace et bafoue les droits de la communauté linguistique francophone et acadienne.»
Le porte-parole progressiste-conservateur en matière de la Santé, Brian Macdonald, estime qu’aucune justification suffisante n’a été donnée.

«Ne réparons pas ce qui n’est pas brisé», dit-il.

Le chef du Parti vert David Coon craint que Medavie ne soit pas suffisamment forcée à rendre des comptes.
Selon lui, le gouvernement aurait plutôt dû rapatrier Ambulance NB au sein du secteur public.

«C’est une très mauvaise idée de privatiser un programme qui fonctionne bien et est aimé par les Néo-Brunswickois.»

La commissaire aux langues officielles du Nouveau-Brunswick, Katherine d’Entremont, souligne les «graves difficultés» d’Ambulance NB à offrir un service bilingue. Elle demande au ministre quels moyens de contrôle sont prévus pour veiller à ce que Medavie respecte en tout temps ses obligations linguistiques.

«Est-ce que le Ministère exige que Medavie se dote d’un plan complet pour faire en sorte que l’organisme dispose en tout temps des effectifs nécessaires à la prestation de services bilingues partout dans la province?», questionne Mme d’Entremont.

«C’est une attaque contre la gouvernance de nos institutions», a écrit la Société de l’Acadie de l’Acadie du Nouveau-Brunswick sur Twitter.