L’éclosion de la démocratie
Il y a deux semaines, la Commission sur la réforme électorale du Nouveau-Brunswick a publié ses recommandations pour augmenter la participation des électeurs et celle des groupes sous représentés lors de nos élections. La participation des électeurs s’est effondrée depuis l’élection de 1987, avec seulement 64 pour cent des électeurs admissibles qui ont participé au scrutin en 2014, une glissade des 82 pour cent en trente ans.
La démocratie est le moyen par lequel des décisions collectives sont prises dans notre société, et pourtant 36 % des Néobrunswickois ne se sont pas présentés lors de la dernière élection. Pourquoi ? Se pourrait-il que les Néobrunswickois se sentent mal servis par nos institutions démocratiques ?
Samara, une organisation charitable qui s’emploie à tisser des liens entre les citoyens et la politique, a sondé les Canadiens sur leur vision de la démocratie. Qu’ont-ils trouvé ? Les Canadiens se retirent du système démocratique, parce qu’ils considèrent la politique comme étant dépourvue d’intérêt. Seulement 54 % croient que les députés peuvent influencer la direction prise par le pays.
Lorsqu’ils évaluent la performance de leur député, les répondants leur ont accordé une note de 46 pour cent pour leur « représentation des vues de leurs électeurs, » et de 45 pour cent pour « tenir l’administration responsable. » Les parlementaires ont dépassé le seuil de passage avec 61 % à la question concernant la « représentation des vues de leur parti. »
La Commission sur la réforme électorale a proposé plusieurs bonnes recommandations, y inclus la préparation d’un rapport annuel à l’Assemblée législative sur l’état de la démocratie au Nouveau-Brunswick, l’abandon progressif des contributions politiques des sociétés et des syndicats, la réduction de l’âge de vote à 16 ans, l’extension du droit de vote aux résidents permanents qui ne sont pas encore citoyens, l’offre d’incitations monétaires aux partis pour présenter plus de femmes, et la considération d’une forme de représentation proportionnelle. Bien que le gouvernement devrait suivre ces recommandations, le mandat de la commission ne lui permettait pas d’examiner le cœur de la crise de notre démocratie, soit qu’une proportion croissante de l’opinion publique est d’avis que les institutions démocratiques sont impertinentes.
Après deux années et demie comme député de Fredericton Sud et chef d’un troisième parti à l’Assemblée législative, je peux comprendre cette opinion croissante, mais c’est une opinion dangereuse. Durant plusieurs années, une quantité sans précédent de pouvoirs a été concentrée au bureau du premier ministre, usurpant ainsi à la fois l’autorité de l’Assemblée législative et le rôle du cabinet. Cela perdure depuis tellement longtemps que tous ceux plus jeunes que 50 ans n’ont connu rien d’autre que des décisions prises par décret au bureau du premier ministre.
Comment pouvons-nous réinvestir l’autorité qui légitimement appartient aux représentants élus à notre parlement provincial ? Donald Savoie, professeur d’administration publique à l’Université de Moncton, a offert ce conseil à Justin Trudeau lors d’une entrevue avec Maclean en 2015, «…commencez par démontrer votre respect au Parlement. Déclarez que vous ne présenterez plus de projets de loi omnibus. Déclarez que votre administration et votre cabinet vont démontrer le plus grand respect aux députés et aux comités du Parlement. »
Les conseils du professeur Savoie sont tout aussi pertinents pour l’administration de Brian Gallant qu’ils l’étaient pour celle de Justin Trudeau ; respectez le rôle de tous les députés, y inclus ceux qui font partie du gouvernement au pouvoir, et respectez les comités de l’Assemblée législative.
Il semble que Justin Trudeau tient compte des conseils de Donald Savoie. En effet, la semaine dernière, contrairement aux vœux du premier ministre, suffisamment de députés Libéraux se sont joints à leurs collègues Conservateurs, du NPD et des Verts pour voter en faveur d’un projet de loi qui empêchera les compagnies d’assurance maladie ou vie de forcer leurs clients à dévoiler les résultats de leur dépistage génétique.
Je n’ai pas encore vu cela dans notre parlement provincial. Les membres du parti au pouvoir au Nouveau-Brunswick ne se sentent pas libres de voter à leur guise.
Dans le cas des comités législatifs, lors de ces rares occasions où les trois partis ont été unanimes, à deux reprises j’ai vu cette unanimité renversée par l’ingérence du pouvoir exécutif dans les affaires de la Législature.
Les Néobrunswickois voudraient nous voir travailler ensemble. Ils veulent que leurs représentants s’expriment en leur nom à l’Assemblée législative, qu’ils travaillent en collaboration pour amener l’administration à rendre des comptes, et à voter en conséquence. Ils veulent nous voir travailler d’une façon efficace en comité pour nous assurer que les ministères et les sociétés de la Couronne dépensent l’argent public effectivement et efficacement. Ils veulent que nous collaborions pour produire des lois effectives pour faire progresser le bien public, que le projet de loi soit initié par le parti au pouvoir, par un membre d’un des partis d’opposition, ou par un député d’arrière-ban. Ils s’attendent à ce que les modifications constructives pour améliorer un projet de loi soient les bienvenues et appuyées. Et ils s’attendent à ce qu’on leur donne l’occasion de se présenter devant un comité pour offrir leurs suggestions et leurs inquiétudes directement à l’Assemblée législative.
Voilà ce à quoi une Assemblée plus effective ressemblerait. C’est ce à quoi une démocratie devrait ressembler. C’est ce pour quoi je me bats.
David Coon est député de Fredericton-Sud et chef du Parti vert du Nouveau-Brunswick.