Contrats accordés de grand cœur aux multinationales

Ce fut une de ces semaines où le cynisme planant au-dessus de la salle du comité législatif menaçait de noyer mon optimisme que les politiciens peuvent faire mieux. La vérificatrice générale Kim MacPherson a présenté le premier volume de son travail d’une année au comité des comptes publics. Notre travail est de s’assurer que les ministères dépensent effectivement et efficacement les sommes des budgets approuvés par l’Assemblée législative, et de s’assurer que l’on a donné suite aux recommandations de la vérificatrice générale.

La vérificatrice générale a révélé qu’en 2013, une série de contrats avaient été accordés par le ministère du Développement social à la firme multinationale d’experts-conseils EY (anciennement Ernst and Young) dans le but de trouver comment réduire le budget de ce ministère.

En janvier 2013, le ministère du Développement social demande à Services Nouveau- Brunswick de l’exempter de l’obligation de rechercher des offres compétitives pour les contrats de consultation en invoquant la clause d’urgence; le ministère a prétendu qu’il était urgent de trouver comment réduire le budget. Et, avant même que Services Nouveau-Brunswick réponde, le ministère a signé une entente de 100 000 $ avec EY. En mai de la même année, le ministère a demandé encore une fois d’être exempté des exigences des appels d’offres pour un deuxième contrat de 112 000 $ avec EY. Cette fois, Services Nouveau-Brunswick a suggéré que ce n’était pas une bonne idée et a soulevé ses inquiétudes concernant de possibles biais; mais il a accepté malgré tout, en accordant son approbation à l’exemption, à la condition que la prochaine fois, le ministère fasse des appels d’offres pour ce type de travaux.

Et c’est ce qu’il fit. Six firmes de consultants furent invitées à soumissionner sur un contrat de 12,25 millions de dollars, y inclus EY sur un appel d’offres que la vérificatrice générale affirme avoir été préparé avec la collaboration du consultant (EY). Les soumissionnaires n’ont eu que 12 jours ouvrables pour soumissionner et EY fut le soumissionnaire gagnant. La vérificatrice générale affirme que le ministère du Développement
social a « favorisé hautement et incorrectement le consultant (EY) durant tout le processus. » Et ce n’est pas tout.

La vérificatrice générale a trouvé que le ministère du Développement social avait signé un contrat de 12,25 millions de dollars qui semble avoir été préparé par EY sur son papier à entête. Elle a découvert que le contrat ne contenait aucun objectif ou cible détaillée, ni de produits livrables clairement définis; par ailleurs, il manquait une disposition sur le cout maximum.

Le ministère du Développement social a aussi accepté de payer des honoraires de rendement basés sur les économies escomptées, peu importe si des économies réelles avaient été réalisées ou pas. Le consultant a été payé 15 % des économies projetées si le ministère mettait en pratique toutes ses recommandations, qu’il le fasse ou pas, et même si les économies réelles étaient réalisées ou pas. Cette somme s’est révélée un paiement total de 5,8 millions de dollars d’honoraires de rendement pour des économies projetées de 45 millions de dollars, ce qui selon de ministère atteignit une somme de 10 millions de dollars en fin de compte.

En somme, 5,8 millions de dollars ont été payés en honoraires de rendement en plus des 6,6 millions en honoraires professionnels, un dépassement du contrat de 700 000 $, plus 646 000 $ en frais de déplacement qui n’exigeaient pas de reçus. Le ministère du Développement social qui prend soin des plus vulnérables dans notre société a payé 272 000 $ en billets d’avion, 179 000 $ en frais de logement, 148 000 $ en frais de déplacement, de location,
de taxis, etc. et 47 000 $ pour les repas des consultants durant leurs déplacements aller-retour au
Nouveau-Brunswick.

Pour couronner le tout, après que les libéraux eurent été élus, le contrat avec EY a été prolongé d’une autre année sans évaluation de la performance, sans négociation et sans changements.

Chaque semaine à mon bureau de circonscription, j’ai des électeurs dont l’électricité a été déconnectée parce qu’ils ne peuvent payer leur compte, ou qui font face à une expulsion parce qu’ils ne peuvent plus payer leur loyer, ou qui ont perdu l’aide au revenu et leur carte santé parce que le ministère du Développement social a déterminé qu’ils avaient enfreint les règlements. Il n’existe pas de mots pour exprimer ce que je ressens en écrivant ces lignes.

La vérificatrice générale maintient que le Ministère du Développement social est imputable à la population par l’entremise de l’Assemblée législative, alors j’ai déposé une motion au comité des comptes publics pour demander que le ministère du Développement social apparaisse devant nous, avant un mois, pour expliquer ce cafouillage. Selon la vérificatrice générale, c’est ce qui arriverait dans les autres provinces. Les députés du parti
libéral ont refusé d’appuyer ma motion. Le porte-parole des conservateurs a dit aux médias : « ces gens ont pris les décisions qu’ils croyaient être les meilleurs pour le Nouveau-Brunswick à l’époque. » Pourquoi suis-je le seul politicien élu qui s’insurge contre ce type de comportement ?

C’est une bonne illustration que votre façon de voter est importante. Voter pour les vieux partis perpétue les vieilles habitudes. Comme député Vert, je continue de faire pression parce que je sais que nous pouvons faire mieux, mais je pourrais utiliser plus d’aide après la prochaine élection, si les électeurs de Fredericton-Sud veulent bien avoir encore confiance en moi en 2018.

David Coon est député de Fredericton-Sud et chef du Parti vert du Nouveau-Brunswick.