Là où tout commence
La semaine dernière, ma participation à la cérémonie de citoyenneté à Fredericton a été pour moi le point marquant de l’année jusqu’ici. Ce fut un privilège de jouer un rôle dans ce moment important dans la vie de 61 femmes, hommes et enfants provenant de 21 pays différents lorsqu’ils sont devenus citoyens du Canada. L’auditorium du Centre Wu débordait de fierté et de joie. C’était profondément émouvant d’être témoin d’un moment aussi important pour ces gens de toutes races et croyances qui se joignent à la famille canadienne.
Chacun avait une histoire unique à raconter, et tous avaient un récit particulier du départ de leur pays natal ; dans mes remarques, j’ai souligné que c’était aussi le cas pour tous les Canadiens, à l’exception des peuples indigènes du territoire, qui conservent les histoires de leur création issues de cette terre plutôt que d’histoires de leur arrivée.
Il est important que nous léguions ces récits aux générations futures, pour que nous n’oubliions pas ce que nos ancêtres ont vécu lorsqu’ils sont arrivés au Nouveau-Brunswick à titre de réfugiés, d’immigrants, de main-d’œuvre inféodée ou même d’esclaves, ou comme les Acadiens qui ont dû revenir d’un exil. Cela nous aide à apprécier les défis auxquels sont confrontées les nouvelles familles qui arrivent dans un nouveau pays. Et il est important que les nouveaux arrivants sachent que nos propres familles ont aussi fait face à ces défis lorsqu’ils sont arrivés, même si cela est survenu il y a plusieurs générations.
J’ai parlé de l’extraordinaire occasion que cet évènement nous offrait alors que nous commençons à avancer nous-mêmes sur les chemins de la réconciliation avec les Premières nations de ce pays qui est devenu le Canada, il y a 150 ans.
Le 2 juin prochain marquera le 2e anniversaire de la publication de la Commission pour la vérité et la réconciliation avec ses 94 appels à l’action pour nous placer sur le sentier de la réconciliation avec les Premières nations et pour régler les séquelles terribles des abus et du génocide culturel qui a pris place dans les pensionnats indiens.
Le sénateur Murray Sinclair, président de la Commission de la vérité et de la réconciliation a déclaré : « À partir de maintenant, nous avons tous l’occasion de démontrer notre leadership, notre courage et notre conviction en contribuant à guérir les plaies du passé à mesure que nous avançons sur le sentier vers un pays plus juste, plus équitable et plus compatissant. » Être citoyen signifie être engagé à relever le défi du sénateur Sinclair et à agir en conséquence.
Le Nouveau-Brunswick a été lent à réagir. Mettre en œuvre les appels à l’action n’est pas apparu dans les priorités politiques sérieusement répétées par le premier ministre et les ministres de son cabinet dans leurs déclarations publiques, pas plus que la mise en œuvre des appels à l’action ont été la préoccupation de l’Assemblée législative.
C’est pourquoi la pratique active de la citoyenneté est essentielle. Comme je l’ai déclaré aux 61 nouveaux Canadiens la semaine dernière, la citoyenneté porte en elle la responsabilité d’être activement engagé dans la société. Lorsqu’une injustice survient, lorsqu’une fissure apparait dans notre tissu social, il nous incombe en tant que citoyen d’exiger la justice, de bâtir des ponts entre les peuples et les collectivités, et de demander que nos représentants élus fassent la même chose. Il existe un mot Wolastoqiyik, « Tetpawtihkene » qui signifie : « Réalignons nos sentiers vers une vision partagée. » Il nous faudra des citoyens actifs pour y arriver.
Cette année, nous célébrons le 150e anniversaire de notre Confédération canadienne. Il y aura plusieurs occasions pour les Canadiens, nouveaux ou autres, de prendre part aux célébrations. Mais le silence de notre province face à l’impératif de la réconciliation, et concernant la mise en œuvre des appels à l’action de la Commission sur la vérité et la réconciliation, va planer comme un nuage noir au-dessus des festivités.
Le slogan du Ministère du Tourisme pour marquer le 150e anniversaire du Canada « C’est là que tout a commencé » a fait sourciller partout au Canada. Bien entendu, la Confédération a été conçue lors d’une rencontre à Charlottetown initialement organisée pour discuter d’une union des Maritimes. La Confédération a pris forme dans la ville de Québec avec 72 résolutions constitutionnelles, et ensuite est née à Londres avec le Nouveau-Brunswick agissant en quelque sorte comme sagefemme. Alors, ce n’est pas ici que tout a commencé.
Ce qui a commencé au Nouveau-Brunswick, c’est l’établissement des premiers pensionnats indiens en 1787 à Sussex, Maugerville et Meductic, un siècle avant que le Canada s’engage dans le chapitre noir de notre histoire.
Mon rêve comme citoyens est que nous nous embarquions ensemble sur la voie significative de la réconciliation afin que tous nos enfants puissent un jour dire avec fierté, « C’est ici que tout a commencé. »
Tetpawtihkene.
David Coon est chef du Parti vert et député de Fredericton-Sud.