Toute la vérité
L’an dernier, le premier ministre, ou quelqu’un de son bureau agissant en son nom, a dit à Service Nouveau-Brunswick, vraisemblablement au PDG, qu’il voulait que le nouveau système d’évaluation foncière soit opérationnel d’ici 18 mois, et non pas dans trois ans comme sa mise en œuvre avait été planifiée. Quand des journalistes ont demandé au premier ministre en point de presse si quelqu’un de son bureau ou un ministre avait été impliqué dans les discussions pour accélérer la mise en marche du nouveau système d’évaluation foncière, il a répondu que c’était possible, mais qu’il n’était pas au courant.
On peut présumer que le ministre responsable du nouveau système d’évaluation foncière, Ed Doherty, a fourni un rapport d’étape lors d’une rencontre du Cabinet pour informer le premier ministre, mais il n’en parle pas. De son côté, le ministre a été muselé depuis que des avis d’imposition problématiques se sont retrouvés dans les boites à lettres ; il ne voulait pas répondre aux questions à la Législature. Il n’a pas accordé une seule entrevue sur cet enjeu, et à la conférence de presse où il s’est excusé pour le gâchis, on a dit aux journalistes de ne pas lui poser de question. Où donc est passée la responsabilité ministérielle, un des piliers de notre système de démocratie de Westminster.
En juin dernier, selon un document interne mettant le personnel de Service Nouveau-Brunswick à jour sur la mise en place du nouveau système de taxe foncière, le premier ministre aurait demandé au PDG de la société de la Couronne d’accélérer sa mise en œuvre. Ce qui contredit l’affirmation du premier ministre qu’il n’était pas au courant des discussions que pourrait avoir eues son personnel.
Nous savons que le chef de Cabinet du premier ministre, Jordon O’Brien, a été directement impliqué dans les conversations au sujet du nouveau système de taxe foncière avec le PDG de Service Nouveau-Brunswick parce qu’il a pris l’initiative sans précédent de publier pour les médias une série de courriels qu’il avait échangés. Leur contenu révèle que la prise de décision est extrêmement centralisée au bureau du premier ministre. Le fiasco de la taxe foncière en est la conséquence directe.
Le personnel politique du bureau du premier ministre n’est pas tenu de rendre des comptes à la population comme les représentants élus. C’est précisément la raison d’être de la responsabilité ministérielle. Cette responsabilité est censée incomber au ministre. Les ministres du Cabinet assument l’ultime responsabilité des actions de leur ministère, même s’ils n’ont aucune connaissance de ces actions. Si les responsables élus qui détiennent un poste au Cabinet n’étaient pas responsables des actions de leur ministère, alors la reddition de comptes à la population s’évaporerait. Trop de ministres ont été mis de côté par des directives provenant directement du bureau du premier ministre à leurs sous-ministres, ou à un PDG comme dans le cas de Service Nouveau-Brunswick.
Les fonctionnaires de Service Nouveau-Brunswick ont compris que ce qu’on leur disait provenait du premier ministre ; alors quand le nouveau système d’évaluation foncière a commencé à produire des résultats surévalués, quelqu’un a paniqué. Au lieu d’appuyer sur le touche RESET et revenir aux évaluations de l’année précédente, ils ont réduit certaines des évaluations insolites générées par leurs ordinateurs jusqu’à un niveau plus acceptable et ont attribué les hausses de taxe à de prétendues rénovations chez plus de 2000 propriétaires immobiliers. Voilà les soi-disant erreurs dont le premier ministre s’excusait.
Il y a deux semaines, j’ai demandé qu’une enquête publique dirigée par un juge respecté aille au fond de cette affaire. Le premier ministre a annoncé que le juge à la retraite Robertson, maintenant membre du corps professoral de l’École de droit de l’UNB, dirigerait une revue. Ce n’est pas la même chose. Bien que l’ancien juge Robertson soit le type de juriste respecté auquel je pensais, il devrait diriger une enquête très publique, et non pas une revue tranquille. Son enquête doit avoir lieu en public et doit être constituée selon la loi sur les enquêtes qui accorde le pouvoir légal de sommer des témoins à comparaitre et à présenter des documents. Le premier ministre doit témoigner ; le ministre responsable doit témoigner et aussi les fonctionnaires. Le rapport doit être présenté à l’Assemblée législative. C’est la seule façon de connaitre toute la vérité.
Régulièrement, les premiers ministres ont été décrits comme étant « le premier parmi des égaux » parmi lesquels on choisit un président ou une présidente du Cabinet plutôt que de créer un poste supérieur pour le premier ministre. Après un certain temps, sous les administrations libérales et conservatrices, ce principe de notre système démocratique s’est effrité, avec maintenant le pouvoir concentré dans le bureau du premier ministre. Plutôt que d’être le ministre primaire, le premier ministre a confisqué les pouvoirs exécutifs qui, initialement, n’avaient jamais été conçus pour être son seul domaine.
À la fois les libéraux et les conservateurs semblent se satisfaire de cette centralisation du pouvoir dans notre démocratie. C’est l’antithèse de la façon dont les Verts approchent cet enjeu, puisque nous sommes pour la décentralisation du pouvoir et des décisions hors du bureau du premier ministre.