Ce que Paris promet
Durant le deuxième jour de Hanoukka pendant la deuxième semaine de l’avent, je me suis tenu devant une mer de fleurs à l’extérieur du théâtre Bataclan à Paris sur l’emplacement de la pire des attaques du 13 novembre. J’étais présent pour témoigner de mon respect envers tous ceux qui avaient perdu leur vie et pour démontrer ma solidarité avec le peuple de Paris comme Néobrunswickois et comme Canadien.
En face de moi, posé sur une épaisse couche de fleurs flétrissantes, j’ai vu un immense bouquet, placé là par le secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon. À côté de ce bouquet, j’ai déposé soigneusement une casquette de l’équipe Canada.
Des représentants du monde entier sont venus à Paris pour forger une entente historique pour limiter le dérèglement croissant de notre climat et des océans. La famille humaine s’est assemblée en dizaines de milliers avec l’espoir d’éviter un avenir inhospitalier, en éradiquant la peur que les terroristes auraient voulu répandre. Dans la ville, il y avait un sentiment palpable d’espérance. Un moment décisif était à portée de main pour le monde entier.
Comme membre du contingent du Nouveau-Brunswick de la délégation canadienne, j’ai participé à l’effort déterminé du premier ministre Trudeau pour signaler au reste du monde que le Canada était de retour. Et nous y étions. Les premiers ministres provinciaux étaient hautement visibles dans l’immense site de la conférence à Le Bourget, à l’aéroport qui présente le célèbre salon international aéronautique de Paris. Très tôt, la ministre canadienne de l’Environnement et du Climat, Catherine McKenna a été au centre des négociations et a gagné le respect des délégations nationales du monde entier.
La chef du Parti vert fédéral, Elizabeth May, la seule parlementaire canadienne qui avait participé à toutes les négociations sur les changements climatiques depuis que le traité avait été signé en 1992, a contribué par son expérience et son expertise et les a partagées avec les membres de l’équipe de négociation canadienne.
Dix années s’étaient écoulées depuis que j’avais assisté aux négociations sur le climat des Nations Unies à Montréal. Mais la différence était extraordinaire. Les représentants des délégations de pays aussi différents que la Chine et la Suède ont exprimé leur but de se sevrer des carburants fossiles durant les prochaines décennies. Notre propre premier ministre, dans son allocution d’ouverture de la COP 21 a déclaré qu’il était déterminé à mettre en place une économie à faible production de carbone au Canada. La détermination de forger une entente importante à Paris était palpable. Les délégués se déplaçaient de séance en séance avec un sens profond du but à atteindre.
Quand ce fut terminé, tout le monde s’est mis d’accord pour limiter le réchauffement de la planète en moyenne à moins de 2 degrés avec une limite motivante de 1,5 °C. Pour réaliser l’entente de Paris, nous devons nécessairement réduire notre utilisation des carburants fossiles – dont l’ampleur a créé la surabondance de carbone dans notre atmosphère, ce qui menace de rendre une grande partie du monde inhospitalière et une autre partie inhabitable.
Mais, voilà le problème. Nous ne pouvons possiblement faire la transition vers une économie à faible intensité de carbone tout en continuant d’accroitre la production et la consommation des carburants fossiles. En fait, au moins les deux tiers des réserves connues de pétrole, de charbon et de gaz devront demeurer sous terre. Ces ressources naturelles ne peuvent plus être développées d’une manière responsable. La construction de nouvelles infrastructures, comme l’oléoduc Énergie Est ou les champs de captage des gaz de schiste, pour soutirer plus de carbone du sous-sol et puis le relâcher dans notre atmosphère n’est plus admissible. Comme l’économiste Herman Daly l’affirme, cela correspond à une croissance qui n’est pas économique.
Je comprends très bien que cela représente un défi pour les leadeurs politiques traditionnels. Les sociétés pétrolières, gazières et charbonnières, par l’extraction et la transformation de ces ressources ont créé beaucoup de richesse. Ceux qui en ont tiré les bénéfices s’opposent largement aux mesures qui seront nécessaires pour réduire leur part du marché. C’est en partie la raison pour laquelle cela a pris 23 années pour que ces mesures que les leadeurs mondiaux avaient introduites dans le traité de 1992 pour mettre un frein aux changements climatiques se retrouvent dans l’entente de Paris.
S’éloigner d’une consommation excessive d’énergie et la substitution vers des sources d’énergie renouvelables sera transformateur. Renoncer aux profits engendrés par la production d’une plus grande quantité de pétrole et de gaz et ne pas les rendre disponibles sur le marché est contraire à l’intuition. Mais, c’est pourtant là que repose notre espoir d’un avenir pour la famille humaine. Et pour notre région du monde, ce sera un changement indispensable.
Les économies des Maritimes ont constamment dû relever des défis depuis qu’après la Confédération, les capitaux et la production ont été siphonnés vers le centre du Canada ; et ce n’est pas un hasard si au même moment, un premier boum pétrolier était survenu au sud-ouest de l’Ontario. En profitant de nos abondantes ressources naturelles, notre chance va finalement apparaitre si les provinces maritimes en partenariat avec Ottawa, coopèrent pour établir la première véritable société à faible intensité de carbone en Amérique du Nord. C’est un projet qui pourrait nous unir dans un même but et donner aux jeunes une raison pour non seulement pour demeurer ici, mais aussi pour nous joindre dans la construction de cette nouvelle économie.