Sonder la conscience des Canadiens

Lundi soir, je me suis assis pour regarder avec une certaine anticipation le premier épisode de la nouvelle série de CBC « Canada : notre histoire. » Après un court rappel des centaines de nations indigènes qui florissaient pendant des millénaires avant leur contact avec les Européens, on raconte que Samuel de Champlain a construit la première colonie au Canada en 1608, près de l’emplacement de la ville de Québec. Sérieusement ? Est-ce que l’histoire du Nouveau-Brunswick, de l’Acadie et des Maritimes s’est tellement évanouie de notre conscience nationale que notre rôle est maintenant effacé par la CBC ?

Les lecteurs se rappellent que le Sieur de Mons et Champlain ont construit la première colonie européenne en 1604 sur l’ile Sainte-Croix, juste près de la côte de l’actuelle Bayside, le Nouveau-Brunswick accueillant ainsi la naissance de l’Acadie. Après un hiver désastreux, malgré l’aide du peuple Passamaquoddy, les colons s’installèrent de l’autre côté de la baie de Fundy dans le bassin d’Annapolis, à Port-Royal. Champlain n’a pas construit d’habitations dans la vallée du Saint-Laurent en 1608, mais a aussi dirigé des colons pour occuper la colonie de Port-Royal qui avait été brièvement laissée aux soins des Mi’kmaq.

La CBC est censée refléter le Canada et ses régions à ses auditeurs nationaux et régionaux, tout en servant les besoins particuliers de ces régions. C’est important parce que cela permet à ses auditeurs de comprendre les réalités auxquelles sont confrontées les provinces comme le Nouveau-Brunswick. Sans cette compréhension, comment les citoyens canadiens peuvent-ils développer des opinions sur les enjeux qui surviennent entre le Nouveau-Brunswick et l’administration fédérale. Si la place que le Nouveau-Brunswick occupe dans la confédération est invisible, alors il devient impossible d’obtenir d’Ottawa le soutien national à un traitement équitable pour notre province.

C’est particulièrement crucial en ce moment alors qu’une grande partie des fonds annoncés pour les logements abordables, le transport public, les infrastructures vertes, la santé mentale, les soins à domicile pour les ainés et les actions pour le climat vont être acheminés au Nouveau-Brunswick après que les ententes fédérales-provinciales auront été négociées et signées. La déficience de nos services de transport public, nos défis démographiques, et les durs impacts des changements climatiques sur nos routes et notre littoral requièrent des investissements du fédéral que d’autres Canadiens pourraient considérer comme étant disproportionnés par rapport à notre population. Pour obtenir un traitement équitable de la confédération en 2017, cela signifie que le premier ministre et ses ministres doivent se battre pour nos intérêts à Ottawa, si l’on ne veut pas devoir se contenter des restants du fédéral. Le transport public est un bon exemple.

Il y a 150 ans, un des meilleurs arguments pour que le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse se joignent à la Province du Canada était la promesse d’un chemin de fer. Et pendant des générations, nous avions un bon service ferroviaire. Vous pouviez voyager en train presque partout où vous vouliez à l’intérieur ou à l’extérieur des Maritimes. Les marchandises se déplaçaient efficacement vers les marchés par rail. Mais, ce n’est certainement plus le cas. Les services ferroviaires pour passagers ont presque été abandonnés par l’administration fédérale dans l’ensemble des Maritimes avec à peine quelques objections de nos politiciens régionaux.

Il était donc réconfortant d’entendre qu’au début de mars, Bill Fraser, ministre des Transports et de l’Infrastructure, a rencontré le PDG de VIA Rail, Yves Desjardins-Siciliano et qu’ils prétendaient très bien s’entendre concernant les mesures à prendre pour combler les lacunes dans l’offre de services ferroviaire aux passagers du Nouveau-Brunswick.

Il existe des lacunes. Vous ne pouvez pas voyager par rail entre les trois plus grandes villes de la province. Vous ne pouvez pas voyager aux États-Unis par rail. Et le voyage de Campbellton à Moncton, que l’on peut encore faire en train, bien que peu fréquent, dure six heures.

Il faut espérer que c’est le signal que la lettre du premier ministre au ministre Fraser le mandatait d’améliorer nos services de transport public inadéquats, d’intégrer le nouveau service ferroviaire aux services élargis d’autocar et aux transports urbains améliorés.

Lorsque vous ne pouvez pas vous payer une voiture, les lacunes du transport public représentent d’énormes entraves à l’emploi, à l’accès aux soins médicaux et aux visites familiales. Et notre pollution excessive au carbone provenant de notre surdépendance aux déplacements est un obstacle pour atteindre les cibles 2020 et 2030 du premier ministre pour la réduction de pollution au carbone. L’établissement de services de transport public commodes et intégrés contribuerait aux objectifs sociaux, économiques et environnementaux de la province, mais cela exige des investissements d’Ottawa.

L’administration fédérale a prévu pour les trois prochaines années une somme de 867 millions de dollars pour VIA Rail ; et, elle a promis 20 milliards de dollars pour améliorer les transports publics durant les onze prochaines années.

Le combat sera dur pour le Nouveau-Brunswick, il lui faudra être déterminé d’obtenir la juste part de ces fonds, tout en sachant que les forces de gravité attirent les fonds fédéraux vers les grandes métropoles et les provinces les plus riches. Toutefois, nous avons déjà eu des succès lorsque les premiers ministres des provinces ont coopéré et que suffisamment de Canadiens ont été persuadés que notre cause était juste. Cela veut dire qu’il faut sortir de l’ombre et nous affirmer comme membre dynamique de la confédération qui a joué un rôle indispensable lors de sa création il y a 150 ans.