Payer plus et moins savoir

De plus en plus les travaux de notre administration provinciale sont tenus cachés de l’Assemblée législative et des personnes représentées par cette assemblée. Pourquoi ces cachoteries ? Pourquoi empêcher les Néobrunswickois de connaitre ce qu’intentent leurs dirigeants ?

L’auteur John Steinbeck a écrit: « Le pouvoir corrompt. La peur corrompt, peut-être la peur de la perte du pouvoir. »

Il semble comme si les administrations passaient une grande partie de leur temps à trouver comment s’accrocher au pouvoir, plutôt que comment gouverner. Et c’est ainsi que nous faisons face à des décisions qui placent la politique avant la santé publique. Plus de 70 pour cent du personnel du bureau du médecin-hygiéniste en chef a été transféré dans d’autres ministères, laissant ainsi aux députés libéraux le soin de défendre l’indéfendable.

Pour se prémunir contre la corruption de l’administration, notre constitution a fait de la suprématie du parlement un de ses piliers essentiels. C’est la législature à qui l’on a confié l’autorité suprême de rédiger des lois, et elle est censée être suprême au-dessus de toutes les créatures de l’administration, y inclut le bureau du premier ministre et son cabinet.

Le problème au Nouveau-Brunswick est que pendant des années, les premiers ministres et leurs cabinets se sont considérés comme ayant l’autorité souveraine sur la préparation des lois, ayant même une prééminence sur l’Assemblée législative. Même si cela facilite l’exercice du pouvoir, cela a provoqué l’arrêt cardiaque de notre démocratie.

Une entière génération a grandi avec la notion erronée que le premier ministre et son cabinet régnaient en maitre, et non pas l’assemblée des représentants élus par la population — notre législature.

On a rapporté récemment dans les journaux que le président du caucus du gouvernement avait dit qu’il ne pensait pas qu’il était dans l’intérêt de la population de savoir quelle était l’opinion d’un député de l’administration sur le plancher de la législature. Il insistait pour affirmer qu’une fois un projet de loi avait été déposé à la législature, qu’il était actuellement prêt pour adoption. C’est-à-dire avant même qu’ils soient débattus, avant qu’ils soient examinés article par article devant un comité, avant que la population ait eu la chance de faire des commentaires et avant que les amendements possibles aient été considérés.

Du côté de l’opposition officielle, un membre qui avait déjà servi dans un cabinet conservateur a été cité dans les médias disant que les débats concernant les lois proposées devraient être au mieux gardé derrière les portes closes des salles du caucus de l’administration. Assez de paroles sur la suprématie parlementaire.
L’idée que le premier ministre et son cabinet règnent en maitres est un désastre. Cela a miné le droit à l’information au Nouveau-Brunswick.

C’est le premier ministre Richard Hatfield qui a introduit la première loi sur le droit à l’information au Nouveau-Brunswick; cette loi avait été préparée sous la tutelle de l’ancien sous-ministre de la Justice, Gordon Gregory. Hatfield avait précisé que les affaires du gouvernement étaient les affaires des gens.

Toutefois, de plus en plus d’affaires des gens sont dirigées hors d’atteinte de la Législature, et devenues invisibles aux yeux de la population. Pensez par exemple à la compagnie à numéro créée par les Libéraux, 698202 NB Inc., qui est parvenu à un accord avec les compagnies de cannabis ; ou bien pensez à l’accord sur le bois des terres de la Couronne signé par les conservateurs avec J.D. Irving. Ou encore, pensez à l’administration des services publics par des intérêts privés. La gestion des pensions publiques et ses investissements ont aussi été privatisés. La gestion de nos services ambulatoires est aussi privée. La gestion de notre programme d’hôpital extramuros est aussi privatisée. Les services d’alimentation et de nettoyage de nos hôpitaux seront bientôt privatisés. Les avis de cotisations de l’impôt foncier seront bientôt transférés en dehors de l’administration. Et la fourniture de maisons de soins de santé a été privatisée.

Cela ressemble bien à payer plus tout en sachant moins. Si nous n’avons pas le droit de savoir ce qui arrive aux finances publiques, nous n’avons plus une administration responsable.

La société subsidiaire de Services de santé Medavie, NB-EMS, qui gère Ambulance Nouveau-Brunswick, et qui prendra bientôt à sa charge nos services hospitaliers extramuros, a refusé de fournir au comité permanent des sociétés de la Couronne leurs états financiers, parce qu’ils ne les fournissent pas au conseil de direction d’Ambulance Nouveau-Brunswick, une société de la Couronne. Or, nous parlons de milliards de dollars transférés durant les dix dernières années à NB-EMS, la compagnie subsidiaire de Services de santé Medavie, pour gérer nos ambulances, mais nous sommes incapables de voir les états financiers de Medavie.

J’ai recherché les copies des contrats non expurgés concernant les maisons de soins privés ou publics, que le commissaire au droit à l’information avait demandé au ministère du Développement social de me fournir, après son enquête approfondie. Toutefois, le ministère a rejeté cette recommandation après avoir recherché l’avis légal privé de Stewart McKelvey, et l’a utilisé pour m’empêcher d’avoir accès à ces renseignements. Imaginez, dépenser de l’argent public sur des avocats afin de nier le droit de la population à l’information.

À la fois les questions du comité des comptes publics et ma requête pour mes droits à l’information des détails sur un bail entre le ministère des Transports et des Infrastructures et Pétroles Irving pour le nouveau centre d’accueil de Tourisme Nouveau-Brunswick près de la frontière Canada–États-Unis à St Stephen ont été rejetés. Le loyer est secret, la grandeur de l’espace que nous louons est secrète, les termes du loyer sont secrets, et les conditions pour mettre fin à ce bail sont aussi secrètes. La peur de perdre le pouvoir ou l’obsession de le conserver force les administrations à se mettre à l’abri de telle façon que les citoyens n’arrivent plus à comprendre leurs calculs politiques, leurs conclusions d’ententes, leur favoritisme et leur parrainage qui persiste.

Il est grand temps de lever le voile sur toutes ces manœuvres en créant un choc à notre système démocratique, avec l’élection de notre premier gouvernement minoritaire depuis cent ans. Ce sera tout un centenaire !

David Coon est chef du Parti vert du Nouveau-Brunswick et député de Fredericton-Sud.