Nuages sombres sur Énergie Est. ACADIE NOUVELLE – 25 JANVIER 2017
Par SIMON DELATTRE
David Coon, le chef du Parti vert, est convaincu que ces ajouts cumulés au projet Keystone signeront l’arrêt de mort d’Énergie Est, car ils suffiront aux besoins de l’industrie pétrolière.
«Cela rendrait le projet moins pertinent. Je crois que le projet Énergie Est tombera à l’eau si l’oléoduc Keystone devient une réalité, lance-t-il. TransCanada ne veut pas abattre toutes ses cartes et attend une décision finale des États-Unis.»
Le député de Fredericton-Sud rappelle la différence de coût entre les deux projets: près de 8 milliards $ pour Keystone, contre plus de 15 milliards $ pour Énergie Est.
«Il y a aussi beaucoup de défis politiques au Québec, au nord-ouest du Nouveau-Brunswick et avec les Premières Nations», ajoute M. Coon.
Le nouveau président américain Donald Trump a signé mardi un décret ouvrant la voie à la construction du controversé oléoduc Keystone XL reliant le Canada aux États-Unis. – Associated Press
Alors que l’administration Trump relance le projet d’oléoduc Keystone XL, le projet Énergie Est conserve-t-il sa pertinence?
Le nouveau président américain Donald Trump a signé mardi deux décrets ouvrant la voie à la construction de deux oléoducs controversés: Keystone XL reliant le Canada aux États-Unis, ainsi que Dakota Access, dans le Dakota du Nord.
Keystone XL, le projet d’oléoduc reliant l’Alberta au golfe du Mexique, avait été enterré par l’ancien président Barack Obama fin 2015 au nom de la lutte contre les changements climatiques.
Le projet vise à transporter le pétrole des sables bitumineux albertains jusqu’au Nebraska, d’où il pourrait rejoindre les raffineries américaines du golfe du Mexique.
L’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche pourrait le faire renaître de ses cendres. Le chef d’État souhaite rouvrir les négociations avec la société TransCanada.
«Nous allons renégocier certains des termes et, s’ils le veulent, nous verrons si cet oléoduc peut être construit», a-t-il déclaré lors de la signature des décrets.
Mardi, TransCanada a fait connaître son intention de présenter une nouvelle demande pour le projet Keystone XL.
L’entreprise assure que la nouvelle donne ne change rien pour Énergie Est. Questionnée par l’Acadie Nouvelle, la société a réitéré son intention d’entreprendre les travaux de construction de l’oléoduc en 2019 et d’assurer sa mise en service en 2021.
«TransCanada, de même que ses expéditeurs, continue de souhaiter la construction et la mise en service d’Énergie Est, pour un transport sécuritaire du pétrole brut canadien vers le marché», déclare son porte-parole, Tim Duboyce.
Le projet de pipeline de 4500 kilomètres doit transporter environ 1,1 million de barils de pétrole par jour, de l’Alberta et de la Saskatchewan vers les raffineries de l’est du Canada et le terminal portuaire de Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick.
«Énergie Est conserve toute son importance stratégique puisque le projet fera en sorte que les raffineries du Québec et du Nouveau-Brunswick n’auront plus besoin d’importer des centaines de milliers de barils de pétrole chaque jour, tout en améliorant l’accès du pétrole canadien aux marchés extérieurs», ajoute M. Duboyce.
De son côté, le gouvernement Gallant continue de soutenir le projet d’oléoduc. Le premier ministre s’est entretenu avec la direction de TransCanada à plusieurs reprises au cours des dernières semaines et croit toujours fermement qu’il pourra se réaliser.
«L’oléoduc Keystone permettrait d’approvisionner un marché différent de celui de l’oléoduc Énergie Est. Compte tenu de la quantité de pétrole brut que l’Alberta devrait offrir au cours des prochaines années, nous croyons qu’il y a assez de ressources pour fournir les deux marchés», a indiqué par courriel Jean Bertin, le porte-parole du ministère du Développement de l’énergie et des ressources.
Un projet compromis
L’économiste Yves Bourgeois est plus sceptique. Il doute qu’Énergie Est sera construit si Keystone XL va de l’avant. Selon le professeur de l’Université du Nouveau-Brunswick, la situation du marché ne permettra pas nécessairement une production suffisante pour alimenter deux oléoducs
«Ça ne veut pas dire que ça tue le projet, mais ça le compromet», avance-t-il.
«Ce sont des projets complémentaires, mais plus on approuve d’oléoducs, moins Énergie Est devient nécessaire.»
Le 29 novembre 2016, le gouvernement fédéral a rejeté le controversé projet d’oléoduc Northern Gateway d’Enbridge, qui devait se rendre jusqu’au nord-ouest de la Colombie-Britannique.
En revanche, il a accepté le projet de tripler la capacité de l’oléoduc Trans Mountain de Kinder Morgan qui relie l’Alberta au port de Burnaby, en Colombie-Britannique.
Le feu vert a aussi été donné au prolongement de la Ligne 3 de l’entreprise Enbridge entre l’Alberta et l’État américain du Wisconsin.
David Coon, le chef du Parti vert, est convaincu que ces ajouts cumulés au projet Keystone signeront l’arrêt de mort d’Énergie Est, car ils suffiront aux besoins de l’industrie pétrolière.
«Cela rendrait le projet moins pertinent. Je crois que le projet Énergie Est tombera à l’eau si l’oléoduc Keystone devient une réalité, lance-t-il. TransCanada ne veut pas abattre toutes ses cartes et attend une décision finale des États-Unis.»
Le député de Fredericton-Sud rappelle la différence de coût entre les deux projets: près de 8 milliards $ pour Keystone, contre plus de 15 milliards $ pour Énergie Est.
«Il y a aussi beaucoup de défis politiques au Québec, au nord-ouest du Nouveau-Brunswick et avec les Premières Nations», ajoute M. Coon.
Keystone sur une voie plus rapide
Le projet Keystone pourrait se concrétiser plus rapidement, alors que les administrations canadiennes et américaines y sont favorables. À l’inverse, les consultations sur le projet Énergie Est sont sur la glace pour le moment, ce qui retarde son approbation.
Le processus a été interrompu après que les trois commissaires qui dirigeaient le comité d’audience se soient retirés en septembre dernier. Leur indépendance avait été remise en question par plusieurs médias et le maire de Montréal, Denis Coderre.
Le 9 janvier 2017, l’Office national de l’énergie a annoncé la nomination de trois nouveaux commissaires qui formeront le comité d’audience.
On ignore pour l’instant quand reprendront les audiences publiques sur le projet Énergie Est et si elles seront reprises du début.
D’après une étude menée par la Conference Board du Canada, au Nouveau-Brunswick le projet Énergie Est créerait tout près de 3800 postes directs et indirects à temps plein par année pendant la planification et la construction et 260 emplois pendant la période d’exploitation.
Yves Bourgeois prévoit que le projet Énergie Est aura pas un impact significatif sur l’économie provinciale lors de la période de construction, mais que les effets positifs seront limités à plus long terme. «Beaucoup d’emplois seront créés à court terme et beaucoup ne viendront pas du Nouveau-Brunswick parce qu’on n’a pas l’expertise ici.»
Avec des extraits de La Presse Canadienne